La finance digitale comme levier de réalisation des objectifs des stratégies nationales d’inclusion financière en Afrique.

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Author: Maxime Lokossi

Les activités économiques en Afrique subsaharienne sont encore fortement ancrées dans l’informel. Ainsi l’informalité des économies africaines se caractérise par ces nombreux artisans, commerçants, agriculteurs exerçant sans un enregistrement au registre de commerce ou des métiers, sans effectuer de déclarations sociales ou fiscales.

Que ce soit un choix assumé pour échapper à l’administration fiscale ou la sécurité sociale, ou beaucoup plus par manque d’information, les conséquences restent les mêmes pour les acteurs de l’informel qui accèdent difficilement aux financements, aux opportunités des marchés publics/locaux et internationaux et à la protection sociale.

Du côté des acteurs financiers, la faible information/absence de « data »   sur les PME informelles rend difficile l’appréciation des requêtes de financement et ceci malgré l’opérationnalisation des bureaux d’information sur le crédit sur le continent.

C’est en se fondant sur cet état des lieux que la nouvelle vision de plusieurs pays africains est désormais de saisir les opportunités des technologies de l’information pour créer des économies numériques mais qui se voudraient également très inclusives et plus formelles malgré les défis liés aux infrastructures, à la connectivité et à la faible alphabétisation de leurs populations.

Ainsi on peut constater que plusieurs de ces pays ont créé un ministère dédié à l’économie numérique et des efforts ont été engagés pour :

  • Combler le déficit en infrastructures (fibre optique, data center, switch, infrastructure à clé publique)
  • Digitaliser les registres d’état civil, les services publics (recouvrement de taxes, télédéclarations, information aux usagers) ;
  • Digitaliser les chaînes de valeur agricole (paiements, information sur le marché ou commerce électronique) ; ou
  • Digitaliser les systèmes de protection sociale et de prévoyance ;
  • Adapter les cadres règlementaires pour favoriser l’introduction des nouvelles technologies financières

Pour une meilleure articulation de tous les programmes/projets/initiatives visant à promouvoir l’inclusion financière, les pays d’Afrique subsaharienne se dotent désormais de stratégies nationales d’inclusion financière (SNIF) qui érigent très clairement la finance digitale comme un levier incontournable pour accélérer l’inclusion financière et la formalisation des économies. C’est le cas par exemple de la Cote d’ivoire, du Sénégal, de la Sierra Leone.

Les diagnostics effectués dans le cadre de la rédaction de ces documents de stratégie ont montré que les femmes, les PME et les personnes habitant en zones rurales constituent les franges sociales les plus défavorisées et exclues des tissus économiques d’où leur faible utilisation des produits financiers tels que le crédit et l’assurance. Ces populations disposent toutefois d’une épargne qui échappe au secteur financier formel et qui est soit conservée à domicile ou auprès d’agents informels spécialisés.

C’est pour remédier à tout ce qui précède que plusieurs gouvernements se sont fixés des objectifs très ambitieux de formalisation des activités économiques et d’inclusion financière.

Au niveau régional, la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) s’est fixée pour objectif global « d’assurer, sur un horizon de cinq (5) ans, l’accès et l’utilisation d’une gamme diversifiée de produits et services financiers adaptés et à coûts abordables à 75% de la population adulte de l’UEMOA, avec un accent particulier sur les populations rurales, les femmes et les jeunes ainsi que les PME et les personnes à faible éducation financière ».

Le Gouvernement de Cote d’Ivoire s’est fixé comme objectif pour la période 2019-2024 « d’améliorer de façon significative le taux d’inclusion financière à travers le renforcement de l’accès et de l’utilisation des services financiers, notamment par les femmes, les jeunes et les MPME, en s’appuyant sur la finance digitale………………..et porter le taux d’inclusion à 60% d’ici 2024, contre 40% en 2017 ».

Le Gouvernement du Sénégal s’est fixé comme objectif pour la période 2022-2026 « d’atteindre un taux d’inclusion financière de 65% des adultes et de 90% des PME….. » et son objectif spécifique 1.1- intitulé développer des produits financiers existants ou innovants prévoit un « développement de la finance digitale, notamment pour l’assurance, le crédit, l’épargne à travers l’approche chaîne de valeurs».

Le Gouvernement de la Sierra Leone dans un document intitulé National Strategy for Financial Inclusion (NFIS) 2022-2026 a pour ambition de « Promouvoir le développement et d’élargir l’accès à des produits et services financiers centrés sur le client et destinés spécifiquement à des groupes de population clés mal desservis, tels que les femmes, les jeunes, les communautés rurales et les MPME ………et tirer parti de solutions technologiques innovantes pour élargir de manière exponentielle l’accès et l’utilisation de produits et services financiers numériques abordables, sûrs et appropriés».

Enfin le Gouvernement du Bénin après la tenue de plusieurs ateliers sur le diagnostic de l’inclusion financière devrait publier cette année 2022 sa stratégie nationale pour l’inclusion financière. On peut déjà présager que la finance digitale sera encore un important levier pour la réalisation des objectifs de la stratégie nationale d’inclusion financière du Bénin.