Favoriser l’accès au financement des TPE/PME grâce au crédit digital et au crowdfunding
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Author: Maxime Lokossi
L’importance des TPE/PME en Afrique
Selon l’Agence de Développement de l’Union Africaine (AUDA-NEPAD) il y a environ 95 à 100 millions de Très Petites et Petites et Moyennes Entreprises (TPE/PME) sur le continent africain et ce chiffre n’inclut pas les petits exploitants agricoles. Ces entreprises sont généralement dirigées par des jeunes et des femmes et emploient 360 millions de personnes ce qui en fait le premier employeur du continent avec une contribution au PIB estimée entre 35 et 55%.[1]
I-Etat des lieux du financement des TPE/PME en Afrique subsaharienne
Plus de 80% des TPE/PME en Afrique se retrouvent dans les 10 premières économies du continent en termes de PIB nominal c.-à-d.- le Nigeria, l’Afrique du Sud, l’Egypte, l’Algérie, le Maroc, l’Angola, le Kenya, l’Ethiopie, le Ghana et la Tanzanie[2].
Toutefois à l’exception du Maroc et de l’Afrique du Sud, les performances des autres pays de ce Top 10 en termes de financement du secteur privé restent encore très faibles. Ainsi le ratio des crédits à l’économie (le total des prêts bancaires accordés au secteur privé/produit intérieur brut) se présente pour chacun de ces pays comme suit : Maroc (69,9%), Afrique du Sud (62,4%), Kenya (32,7%), l’Algérie (29,7%), Tanzanie (13,1%), Angola (11,7%), Nigeria (11,2%), Ghana (10,5%)[3]. La moyenne de l’Afrique subsaharienne se situe autour de 27%. Le bon élève en Afrique est l’Ile Maurice (95,9%).
Dans ce grand ensemble que représente le secteur privé, les Très Petites et Petites et Moyennes (TPE/PME) africaines peinent à obtenir du financement comme l’évoquent plusieurs études internationales. Ainsi le déficit de financement des TPE/PME s’élèverait à plus de trois fois l’encours des crédits aux PME[4].
La plupart des TPE/PME africaines se financent soit sur fonds propres ou par des fonds provenant de la famille et des amis (love money) ou soit par des crédits fournisseurs. Quant au financement bancaire il leur est difficilement accessible.
II-Les sources alternatives de financement disponibles pour les TPE/PME africaines à l’ère du numérique
- Le crédit digital
Certains opérateurs de mobile money ont étendu leurs offres de services et proposent désormais aux TPE/PME une gamme complète de produits financiers digitaux dont le crédit digital.
Fonctionnement
Le crédit digital est offert à un abonné de service de mobile money via une requête USSD ou une application mobile. La requête est traitée de façon instantanée et les montants sollicités sont accordés de façon progressive sur la base d’un bon historique de remboursement.
Les montants des crédits digitaux offerts par les Fintech au Kenya varient de $1 à $1000 au maximum et les durées de remboursement sont généralement de 30 jours.
L’offre de KCB (Kenya Commercial Bank) M-Pesa a la particularité de mieux convenir aux TPE/PME en raison d’une période de remboursement plus longue et des montants de prêts allant jusqu’à $10.000[5].
Taille du marché
Avec plus de sept années d’activités, les marchés du Kenya et de la Tanzanie comptent parmi les plus matures du continent. Les banques centrales de ces deux pays, la Central Bank of Kenya et la Bank Of Tanzania, estiment les valeurs des crédits digitaux en 2019 respectivement à plus de $700 millions[6] et $ 147 millions[7].
Les défis
- Une législation et une réglementation faibles ou manquantes pour protéger les consommateurs contre les risques de surendettement, d’exploitation des données ou de tarification abusives ;
- La valeur des crédits digitaux reste marginale par rapport à l’ensemble des prêts par pays (par exemple en 2018 la valeur des crédits digitaux offerts par les FinTechs au Kenya s’élevait à $ 11,8 millions contre $104 millions débloqués par les deux leaders du marché M-Shwari et KCB MPesa selon Orange Digital Ventures – 2018.
- Le crowdfunding
Le crowdfunding est défini comme un mécanisme qui a pour objectif de collecter les apports financiers d’un grand nombre de personnes physiques et morales dans le but de financer un projet. Le financement des projets s’articule autour de trois modes : le don avec ou sans contrepartie, le prêt rémunéré ou pas (crowdlending), l’investissement dans le capital de l’entreprise (crowdequity)[8]. Ces deux dernières formes constituent des sources alternatives de financement pour les TPE/PME en Afrique.
Fonctionnement
Les mécanismes de financement sur les plateformes de crowdfunding sont souvent basés sur un montant cible minimum ou un principe du tout ou rien et viennent avec un délai fixe pour attirer les investisseurs. Selon ces principes, les projets ne reçoivent un financement que si la somme recueillie atteint le montant d’investissement global visé ou un seuil minimum inférieur ce qui garantit la praticabilité du projet. Si le projet ne peut pas atteindre son objectif dans le délai imparti, la somme collectée revient aux investisseurs. Chaque initiateur de projet fixe un objectif de financement dans les limites du montant maximum et minimum par défaut donné par les opérateurs de la plateforme. En règle générale, le délai de collecte de fonds pour les projets varie de 30 à 90 jours.
Taille du marché
Sur plus de $145 milliards levés en 2015 dans le monde, plus de $100 milliards sont attribués à la Chine, $36 milliards aux États-Unis et environ $5 milliards au Royaume-Uni (FSD Africa).[9]
Sur l’ensemble du continent africain, les 57 plateformes basées en Afrique identifiées par Afrikstart (2016) ont levé un montant total de $32,3 millions. La plupart des fonds sont attribués à l’Afrique du Sud ($30,8 millions), les pays suivants tels que l’Égypte et le Nigéria ne dépassant pas le seuil de $1 million.
La Banque mondiale (2013) estime un potentiel de financement participatif pour l’Afrique subsaharienne à $2,5 milliards jusqu’en 2025.
Les défis
- Une législation et une réglementation faibles ou manquantes pour protéger les droits des fournisseurs et des utilisateurs de plateformes de financement crowdfunding fondées sur l’equity et le prêt.
- La plupart des plateformes de prêt et d’equity opérant dans les pays africains sont basées à l’étranger et utilisent la législation plus sophistiquée sur le financement participatif aux États-Unis, au Royaume-Uni, en France ou en Allemagne.
Le crédit digital et le crowdfunding présentent donc un potentiel certain pour l’amélioration de l’accès au financement des TPE/PME africaines pourvu que les cadres législatifs et règlementaires puissent être mis en place pour favoriser leur développement tout en veillant à la protection des clients.
[1] AUDA NEPAD – MSME Academy- https://www.youtube.com/watch?v=B1bSfsj74Ck
[2] IMF -World economic : outlook data base, April 2022
[3] The world bank data 2020- Domestic credit to private sector by banks (% GDP)
[4] German development institute- Digitalisation and its Impact on SME Finance in Sub-Saharan Africa
[5] German development institute- (2020)- Digitalisation and its Impact on SME Finance in Sub-Saharan Africa
[6] Digital Lending: Finance committee raises concerns over regulating digital lending – YouTube
[7] AFI-Digital credit regulation in Tanzania
[8] Amarante Consulting (2021)- Quel avenir pour le crowdfunding dans la zone UEMOA ?
[9] FSD Africa (2017) – Crowdfunding en Afrique de l’Est : réglementation et politique pour le développement des marchés, 13p