Réglementation des Fintechs dans l’UEMOA : entre rigueur nécessaire et accompagnement attendu
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Author: Maxime Lokossi
Le 31 août 2025 marque désormais la nouvelle échéance fixée par la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) pour permettre aux fintechs de se mettre en conformité avec la réglementation en vigueur sur les services de paiement dans l’Union Monétaire Ouest Africaine. Il s’agit de la quatrième prorogation accordée depuis l’entrée en vigueur de l’instruction N°001-01-2024 du 23 janvier 2024 relative aux services de paiement dans l’Union Monétaire Ouest Africaine. Ce nouveau sursis confirme la complexité de la transition réglementaire engagée dans l’UEMOA (BCEAO, 2024), au sein d’un écosystème jeune, dynamique, mais encore faiblement structuré.
Si peu de fintechs sont en règle aujourd’hui, cela ne traduit pas un rejet de la réglementation. Il s’agit plutôt du reflet de contraintes concrètes que rencontrent les acteurs : exigence de capital social (entre 10 et 100 millions de FCFA), dispositifs de gouvernance, sécurité des systèmes d’information, conformité réglementaire, etc. En 2022 déjà, le Bureau de Connaissance et de Suivi des Fintechs (BCSF-UEMOA) identifiait 131 fintechs actives dans le domaine du paiement. Pourtant, au 27 mai 2025, seulement 11 agréments avaient été délivrés (Mag, 2025). Ce décalage soulève des interrogations sur le niveau de préparation institutionnelle, notamment la capacité de la BCEAO à traiter les demandes dans des délais raisonnables et à accompagner massivement les acteurs dans cette transformation.
La réforme opérée par l’Instruction n°001-01-2024 est structurante : elle met fin au modèle d’adossement généralisé aux banques, qui permettait à de nombreux opérateurs de fonctionner sans licence propre. Désormais, seules les structures agréées peuvent opérer en tant qu’acteurs à part entière dans l’écosystème. Ce basculement, s’il est salutaire pour la transparence et la responsabilité des prestataires, demande un accompagnement à la hauteur des enjeux. Dans plusieurs pays, des fintechs ont dû déposer des dossiers multiples dans chaque État membre, malgré l’unicité du cadre régional, ce qui a multiplié les coûts et les démarches administratives, notamment pour les opérateurs à vocation régionale.
L’adoption de ce cadre réglementaire répond toutefois à des exigences profondes et légitimes. Il s’agit d’abord de protéger les utilisateurs en assurant la sécurité des fonds et des transactions. Mais il s’agit aussi de garantir l’intégrité du système financier. Dans un contexte régional marqué par une montée des menaces sécuritaires, notamment le terrorisme dans plusieurs pays de l’UEMOA et de la CEDEAO, il devient impératif de contrôler les flux financiers. L’objectif est clair : éviter que des plateformes non régulées servent de vecteurs à des transferts illicites entre cellules terroristes. La conformité aux normes de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (AML/CFT) n’est pas seulement un enjeu local, c’est une condition de maintien de la crédibilité de l’UEMOA dans le système financier international (GAFI, 2025).
Par ailleurs, la réglementation offre de nouvelles perspectives aux fintechs structurées. Obtenir un agrément permet de gagner en autonomie, de renforcer sa crédibilité auprès des partenaires bancaires, techniques ou financiers, et de se positionner dans une dynamique d’interopérabilité régionale. Elle constitue aussi un tremplin vers les futurs standards de l’open finance, vers l’accès à des financements institutionnels, et vers une possible intégration aux systèmes panafricains tels que le PAPSS (Pan-African Payment and Settlement System) (PAPSS, 2025), promu par l’Union Africaine et la Banque Africaine d’Import-Export.
Enfin, malgré les incertitudes liées à l’évolution géopolitique mondiale et à la construction d’un ordre multipolaire, l’UEMOA reste un marché fragmenté. En structurant ses fintechs et en renforçant la supervision régionale, l’Union pourrait se positionner comme un marché intégré, fluide et sécurisé, capable de faciliter les flux de capitaux, de biens et de personnes, tout en respectant des standards internationaux élevés.
En somme, cette réglementation, bien qu’exigeante, constitue une étape incontournable de maturation pour l’écosystème fintech ouest-africain. Son succès dépendra toutefois de la capacité des autorités à conjuguer exigence réglementaire et logique d’accompagnement, afin de ne pas écarter les acteurs innovants les plus fragiles, mais de les intégrer dans une transformation durable et inclusive du paysage financier régional.
Références
- BCEAO. (2024). instruction N°001-01-2024 du 23 janvier 2024 relative aux services de paiement dans l’Union Monétaire Ouest Africaine. Récupéré sur https://www.bceao.int/fr/reglementations/instruction-ndeg001-01-2024-du-23-janvier-2024-relative-aux-services-de-paiement
- GAFI. (2025). NORMES INTERNATIONALES SUR LA . Récupéré sur https://www.fatf-gafi.org/content/dam/fatf-gafi/recommendations/Recommandations%20du%20GAFI%202012.pdf.coredownload.pdf
- Mag, D. (2025). Instruction n°01-01-2024 : La BCEAO attribue un agrément à 11 fintech de la zone UEMOA. Récupéré sur https://digitalmag.ci/instruction-n01-01-2024-la-bceao-attribue-un-agrement-a-11-fintech-de-la-zone-uemoa/?fbclid=IwY2xjawKsEXNleHRuA2FlbQIxMABicmlkETFLQ2hYRjNjV3UxYU9udk5xAR40ALgHUiXYSMaJ7OQrDwsYF0fco-XyrDglGxqWYwCw0RXO8JUIOVDAVJgvhg_aem_yI314-BH6Y4imxpk
- PAPSS. (2025). Révolutionner la manière dont les paiements transfrontaliers sont effectués en Afrique. Récupéré sur https://papss.com/fr/
Ambassadeur francophone de la marque Digital Frontiers, ancien élève et membre de la communauté
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