Écoutez maintenant: Comment exploiter le potentiel de l’intelligence artificielle pour créer un écosystème financier plus inclusif en Afrique?
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Author: Xanske le Roux
Ce webinaire organisé par Digital Frontiers Institute (DFI) explore les potentialités qu’offre l’intelligence artificielle (IA) pour le secteur financier. Il présente des expériences, initiatives et recommandations très concrètes qui accélèrent l’inclusion financière en Afrique.
La discussion a été animée par :
- Dr Éric ADJA, Président de l’Agence Francophone de l’Intelligence Artificielle (AFRIA) basée à Genève en Suisse ; et
- Daouda HAMADOU, CEO de NOVATECH, une Fintech basée à Niamey au Niger.
L’AFRIA et NOVATECH sont deux acteurs qui interviennent dans l’écosystème de la finance digitale en Afrique et en promouvant l’intelligence artificielle dans leurs actions.
On peut définir l’intelligence artificielle comme la capacité d’une machine à réaliser des fonctions cognitives associées à l’esprit humain, telles que la perception, le raisonnement, l’apprentissage, l’interaction avec l’environnement, la résolution de problèmes et même l’exercice de la créativité. Le but de l’intelligence artificielle est de simuler l’esprit humain en apprenant un certain nombre d’opérations à travers une large masse de données/les Big data. L’intelligence artificielle est utilisée dans plusieurs domaines notamment la finance, l’agriculture, la santé, le marketing etc…
Le webinaire a permis de mieux comprendre les enjeux de l’intelligence artificielle, de découvrir des applications concrètes dans le domaine de la finance inclusive, de mettre en lumière quelques risques liés à son utilisation avant de finir avec des recommandations concrètes à l’endroit des régulateurs et décideurs politiques.
LES ENJEUX DE L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE POUR L’INCLUSION FINANCIERE EN AFRIQUE
Au niveau des enjeux pour l’inclusion financière en Afrique on peut citer :
- La contribution à la réalisation des Objectifs de Développement Durable (ODD) par exemple à la réduction de la pauvreté et à l’égalité des genres ;
- La mise à disposition de compétences suffisantes (par exemple des data scientits, data managers) capables de lire des Big data/données massives afin d’en faire des outils d’aide à la décision pour les régulateurs ou les autorités politiques ;
- La contribution à l’éducation financière des populations marginalisées ;
- L’amélioration de l’accès au crédit des populations marginalisées et des PME.
LES APPLICATIONS CONCRÈTES DE L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE DANS LE DOMAINE DE LA FINANCE INCLUSIVE EN AFRIQUE
Au rang des applications concrètes de l’intelligence artificielle en Afrique pour améliorer l’inclusion financière on peut citer quelques exemples :
- Le recours à des chatbots (robots intelligents) pour faciliter l’utilisation des services financiers digitaux par des populations analphabètes
NOVATECH utilise des plateformes existantes comme WhatsApp pour développer un chatbot (robot virtuel) qui permet à des populations analphabètes d’obtenir leurs soldes sous forme de messages vocaux en langues locales ou encore les fonctionnalités vidéos des téléphones mobiles pour faire de l’éduction financière. Il est également possible de recourir à la reconnaissance vocale pour permettre l’authentification des personnes analphabètes lors de leurs opérations de paiement.
- Le recours à des données d’historique de paiement pour la mise en place d’outils de scoring
Certaines banques africaines ou opérateurs de mobile money ont déjà recours à des outils de scoring alimentés par des données provenant de différentes sources pour évaluer les capacités d’emprunt des demandeurs de micro-crédits digitaux. Ces outils sont également utilisés dans l’industrie de l’énergie solaire à travers les offres de Pay As You Go (Pay Go).
- Le recours à des données géospatiales et démographiques dans un programme de transferts monétaires au Togo (Novissi)
Le Gouvernement de la République du Togo dans la cadre de la mise en œuvre de son programme de transferts monétaires aux populations les plus pauvres, appuyé par le projet WURI de la Banque Mondiale, a eu recours à l’intelligence artificielle (des algorithmes d’apprentissage profond) pour analyser des données géospatiales et démographiques pour cibler les 100 régions concentrant le plus de populations vulnérables afin d’orienter l’allocation des ressources financières du programme.
A ce niveau en parlant de données géospatiales, il est important de mettre en évidence un partenariat entre l’AFRIA et la PME française Prométhée spécialisée dans le néo spatial et qui a pour but de former les cadres dirigeants du secteur privé et des banques d’Afrique sur l’utilisation du néo-spatial pour relever des défis de développement. Le néo spatial ou new space en anglais est un nouveau domaine qui permet à des pays à revenus faibles et à des entreprises privées d’accéder à des données géospatiales par le biais de nano satellites. Ces données permettent par exemple de prendre des décisions visant à prévenir les effets du changement climatique ou améliorer les performances agricoles.
L’AFRIA a également noué un partenariat avec la GSMA sur le Mobile big data qui grâce à des informations sur la mobilité de la population et des outils d’analyse des données de télécommunications anonymisées et agrégées peut guider les décisions des politiques ou les stratégies des entreprises ou institutions financières dans leurs interventions.
LES RISQUES LIÉS A L’UTILISATION DE L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE
Les risques liés à l’utilisation de l’intelligence artificielle portent essentiellement sur les difficultés à assurer la protection des données à caractère personnel des populations africaines, la perte de la souveraineté numérique vu qu’aujourd’hui toutes nos données sont stockées sur les serveurs des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) ou encore les suppressions d’emploi.
RECOMMANDATIONS A L’ENDROIT DES RÉGULATEURS ET DES DECIDEURS POLITIQUES
Pour clôturer les échanges, les panélistes ont formulé les recommandations ci-dessous à l’endroit des régulateurs et décideurs politiques. Il s’agira de :
- Accentuer la réglementation sur la protection des données à caractère personnel car il n’y a pas un cadre de règlementation sous régional ou continental en Afrique, à l’instar de l’Europe qui a mis en place le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD), malgré les accords de Malabo sur la cybersécurité et la protection des données à caractère personnel que plusieurs pays africains n’ont pas encore ratifié ;
- Associer les Fintechs aux réflexions sur l’adaptation du cadre règlementaire pour favoriser l’introduction des nouvelles technologies dans le secteur financier ;
- Revoir les curricula de formation pour satisfaire aux besoins en compétences des FinTechs. (Un bon exemple est l’Ecole Supérieure Multinationale des Télécommunications de Dakar au Sénégal qui a lancé un Master en Data sciences et Intelligence Artificielle) ;
- Favoriser la coopération internationale pour l’inclusion financière.
Enfin plus généralement pour des considérations relatives à la souveraineté numérique il faudrait Investir dans les infrastructures sensibles (data center) sachant que la plupart de nos données sont stockées auprès des GAFAM) et recourir le plus que possible à des noms de domaines nationaux.
Ce webinaire a été modéré par Maxime LOKOSSI, Responsable du Développement de la Communauté Francophone à DFI – Consultant en mésofinance et en finance digitale.