Écoute maintenant : Transformation digitale dans le secteur de la microfinance en Afrique : Quelles leçons tirées après deux années marquées par la crise de la Covid 19

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Author: Maxime Lokossi

La transformation digitale dans le secteur de la microfinance en Afrique est devenue un important enjeu pour améliorer l’inclusion financière et ceci encore plus dans le contexte de la crise sanitaire de la Covid 19. C’est à ce titre que Digital Frontiers Institute a organisé un webinaire sur le thème : « Transformation digitale dans le secteur de la microfinance en Afrique : Quelles leçons tirées après deux années marquées par la crise de la Covid 19 ».

A l’entame du webinaire il a été porté à la connaissance des participants, l’organisation du prochain sommet en ligne Pathway to 17 coorganisé par Digital Frontiers Institute et l’Alliance Of Digital Finance Associations prévu pour les 23 et 24 novembre 2021.

 

La discussion a ensuite été animée par trois dirigeants d’Associations Professionnelles de Systèmes Financiers Décentralisés (AP SFD) :

  • Ignace DOVI, Directeur Exécutif de l’Association Professionnelle des Systèmes Financiers Décentralisés (AP-SFD) du Bénin / Consortium Alafia;
  • Mamadou Lamine GUEYE, Directeur Général de Caurie Microfinance Sénégal et ancien Président de l’Association Professionnelle des Systèmes Financiers Décentralisés (AP-SFD) du Sénégal;
  • Ange KETOR, Directeur Exécutif de l’Association Professionnelle des Systèmes Financiers Décentralisés (AP-SFD) du Togo;

Le secteur de la microfinance en Afrique, malgré le contexte difficile de la Covid 19, a fait preuve de résilience et ceci se confirme par plusieurs indicateurs d’activités qui au 31 décembre 2020 étaient restés au beau fixe ou même ont progressé.

Benin – Encours de crédit : F cfa 200 milliards ; encours de dépôt : F cfa 135 milliards

Togo- Encours de crédit : F cfa 185 milliards ; encours de dépôt : F cfa 225 milliards ; nombre de clients : 3,3 millions

Sénégal- Encours de crédit : F cfa 400 milliards ; nombre de clients : 3,5 millions

Avant la crise sanitaire de la Covid 19 le secteur de la microfinance était confronté à des défis qui ont trait à :

  • La qualité de la gouvernance et notamment celle des administrateurs dont la carrure n’est pas suffisante pour contrôler les actions des dirigeants ;
  • La gestion des impayés ;
  • L’absence de vision de plusieurs dirigeants ;
  • Difficultés à estimer les besoins requis par la transformation digitale ;
  • L’insuffisance des moyens technologiques des institutions de microfinance (système informatique non à jour et absence d’interconnexion entre les agences ou points de service d’une même institution)
  • Une trop forte dépendance aux subventions d’investissement provenant de bailleurs internationaux dont le retrait progressif impacte les capacités d’investissement des institutions de microfinance ;
  • Le besoin en éducation financière des clients des institutions de microfinance (IMF)/Systèmes Financiers Décentralisés (SFD).
  • La concurrence forte des opérateurs de mobile money et des Fintechs sur les produits de transferts rapides qui représentaient une niche pour les institutions de microfinance (IMF) ;
  • Une disponibilité très faible des produits financiers digitaux au niveau du secteur de la microfinance et une faible préparation à la transformation digitale malgré de multiples formations dont ont bénéficié ces institutions ;
  • Un piétinement des rares IMF/SFD disposant de produits financiers digitaux c-à-d qu’elles offrent ces services uniquement aux clients existants sans un réel effort de saisir l’opportunité du digital pour étendre leur base clientèle.

 

Concernant les potentialités offertes par le digital il est assez préoccupant de noter le faible engagement des IMFs dans la transformation digitale à cause de l’importance des besoins en investissements (infrastructures technologiques, formations) dont les sources de financement traditionnelles étaient les bailleurs étrangers. Ces derniers sont malheureusement devenus plus rares.

Les nombreuses formations dispensées dans le secteur n’ont pas réellement provoqué un changement de paradigme. Par contre les IMFs ont ressenti la forte pression des opérateurs mobile money et des Fintech qui les talonnent même sur leur vache à lait traditionnelle qu’est le transfert d’argent et ceci les oblige à se remettre en cause.

Que ce soit au Bénin, au Togo ou au Sénégal, très peu d’institutions de microfinance disposent d’une offre de services financiers digitaux. Au Bénin et au Sénégal pour adresser ce gap, les Associations Professionnelles des Systèmes Financiers Décentralisés (AP-SFD) ont mis en place des plateformes mutualisées de fourniture de services financiers digitaux. Si la plateforme mutualisée du Benin connait un faible engouement compte tenu du fait que l’intégration d’un participant est payante, celle du Sénégal a retenu un modèle financier différent en rendant gratuite l’intégration de ses participants mais en la conditionnant par un certain nombre de pré requis techniques et le prélèvement de commissions sur chaque transaction.

Les panélistes s’accordent tous sur le fait que la digitalisation n’est pas un choix, c’est une exigence si l’on veut rester dans le secteur financier.

L’expérience de la transformation digitale de CAURIE MICROFINANCE au Sénégal dans le cadre du projet PAMIGA a été évoquée au cours de la discussion et montre l’importance d’intégrer la digitalisation dans le plan stratégique de toute institution de microfinance afin soit d’attirer des bailleurs ou de saisir les opportunités d’intégration avec plateformes mutualisées pour se transformer. CAURIE MICROFINANCE a été ainsi appuyée par UNCDF et le PAMIGA et participe au projet pilote d’interopérabilité des services financiers numériques conduit par la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO).

Il faut aussi souligner que la transformation digitale vient également avec des risques et les principaux sont le risque de fraude, le risque lié aux activités cybercriminelles et plusieurs autres risques à caractères réglementaire ou opérationnel.

 

Une nouvelle règlementation du secteur de la microfinance est sur le point d’être édictée et permettra de relever les exigences pour occuper les postes d’administrateurs au sein des institutions de microfinance. Elle permettra également d’exercer un contrôle plus strict sur la qualité de la gestion des dirigeants de ces institutions.

Par ailleurs sur le plan de l’accompagnement de la transformation digitale des institutions de microfinance et particulièrement dans la zone UEMOA, la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) peut agir en :

  • Accélérant la mise en œuvre de son projet d’interopérabilité des services financiers numériques qui permettra aux IMFs d’étendre leurs offres de produits et la portée de leurs services ;
  • Mettant en place un cadre pour la mise à disposition des services financiers numériques de seconde génération (épargne, crédit, micro-assurance) ;
  • Mettant en place un cadre réglementaire pour l’Agency banking.

 

Ce webinaire a été modéré par Maxime LOKOSSI, Responsable du Développement de la Communauté Francophone à DFI – Consultant en mésofinance et en finance digitale.